Stéphane Blocquaux, docteur en sciences de l’information et de la communication à l’université catholique de l’ouest à Angers, a attiré la foule. «Je reçois trois coups de téléphone par jour d’associations ou autres qui veulent que je l’anime aussi chez eux», nous expliquait-il avant le début de sa conférence.
Il faut dire qu’il est une référence. «J’étais l’un des premiers il y a dix ans à m’intéresser à cette problématique», explique Stéphane Blocquaux qui appartient également à l’équipe de Laval Virtual.
Avant son intervention devant les parents jeudi 5 avril, il était intervenu devant tous les élèves de 4e des collèges et MFR de Craon.
Une fracture intergénérationnelle
«Vous, vous êtes des Digital migrants , lance-t-il aux parents car vous n’êtes pas nés avec Internet. Vos enfants eux sont des Internet natives car nés avec.»
C’est de là que vient «la fracture numérique générationnelle» qu’il a évoquée à plusieurs reprises. «Aujourd’hui, il y a des concours d’échographies en ligne ! Vous êtes liké, followé, avant même d’être né !» prend-il comme exemple pour prouver «cette mutation numérique qui a été très vite, trop vite peut-être pour vous.»
Il est revenu sur ce qu’il a évoqué avec les élèves l’après-midi sur le virtuel. «Pour eux, le réel c’est quelque chose qu’on peut toucher. Si on ne le peut pas, c’est irréel.» Mais le docteur les a mis devant leurs propres incohérences. «Télécharger un DVD sans le toucher, sans payer, est-ce réel ou irréel alors ? Là ils ont eu une gêne...» Et de conclure : «L’arrivée du virtuel a pulvérisé les valeurs.»
Il explique qu’il faut essayer de comprendre les jeunes nés avec cet outil. «Avant, vous parents, vous vous êtes construits dans un monde réel. Vos enfants doivent se construire dans ce monde réel mais aussi dans celui irréel en contrôlant leurs réseaux sociaux, photos, etc. C’est épuisant pour eux.»
Et cela a des conséquences. Le professeur l’a remarqué chez ses propres étudiants. «Je n’ai jamais eu à gérer autant de problèmes psychologiques cette année, que toutes celles avant cumulées...» Et de conclure : «L’idée n’est pas de diaboliser Internet qui peut être un bon moyen d’échapper à la réalité souvent anxiogène ; mais de tirer des sonnettes d’alarme. » Le docteur en science prône donc « une éducation au virtuel».
L’exposition à Internet au cœur du problème
Il a ensuite parlé de ses expériences qui prouvent que «certains des jeunes enfants qui ont une trop longue exposition à Internet sont sujets à des troubles. Tout est une question d’exposition. C’est comme l’alcool, quand il n’y a pas d’excès, ce n’est pas dangereux.»
Ceux qui abusent développent des troubles du sommeil notamment, et pour ceux qui jouent en ligne trop longtemps « le temps réel est en concurrence avec le temps virtuel car le jeu ne s’arrête pas, contrairement à votre époque où on appuyait sur pause. »
Il parle de nétaholisme pour décrire la dépendance de certains jeunes à Internet. «Comme pour toute addiction, quand vous les en privés, ils deviennent irritables, dépressifs...».
Sexe, violence... tout reste à vie»
Stéphane Blocquaux a expliqué que bien souvent, du moins au départ, les jeunes ne vont pas forcément chercher eux-mêmes des contenus sexuels ou violents mais que des hackers profitent de leurs recherches les plus demandées (musique par exemple) pour glisser des contenus malsains.
Il a aussi expliqué que même en page privée, ou en effaçant l’historique, et même en ayant des logiciels spéciaux rien ne s’efface «tout reste à vie», car les serveurs qui relaient leurs recherches eux gardent tout. «Ça a refroidi plus d’un de vos enfants...»
Que jeunes et parents fassent un pas vers l’autre
Stéphane Blocquaux a encouragé les parents à aussi « faire un pas dans le monde virtuel pour les comprendre » et demandé aux jeunes « d’auto-gérer leur exposition au Net ». Un bon début pour réduire la fracture numérique intergénénationnelle. Enfin, il évoqua les réseaux sociaux, leurs dangers en prouvant qu’il pouvait craquer en moins de dix secondes un code Facebook et prendre le contrôle total du compte. Il n’a pas été au bout de la démarche, celle-ci étant punie par la loi.
[gallery ids="28621327"]
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.