Née à Honfleur, décédée à Château-Gontier (Mayenne), la poétesse, sculptrice, critique littéraire, romancière, ethnologue a vécu en femme libre, côtoyant les "grands" de ce monde à la Belle époque. Elle a été mariée avec le Dr Mardrus, connu pour sa traduction des Mille et une nuits. Pierre Mardrus, 72 ans, petit-neveu du docteur en question, a animé une conférence-débat sur Lucie Delarue-Mardrus. Il a présenté un portrait d'elle en s'appuyant sur son journal intime et ses recherches à la bibliothèque nationale de France. Fille d'un père avocat et d'une mère graveuse, Lucie Delarue est issue d'une fratrie de six filles. "Elle était la petite dernière."
En avance sur son temps
Son enfance est marquée par "les absences répétition de son père", la livrant à une "mélancolie et une souffrance indéchiffrable", avec la poésie pour échappatoire, pour surmonter "cette espèce de recherche du double". Elle portait en elle "le doute sur sa vraie nature". Les contes d'Andersen la charmaient jusqu'à ce qu'elle découvre les écrits de la romancière Florence Montgomery. Elle a passé son adolescence entre Saint-Germain-en-Laye et Honfleur, "le manoir de Vazouy étant une source d'inspiration pour ses romans". En 1899, Lucie a tenu une conférence sur la poésie normande, "sur le modèle parnassien Henri de Régnier, écrivain honfleurais proche du symbolisme. Étaient présents Sacha Guitry, Alphonse Allais entre autres". Et un certain capitaine Pétain, qui lui demanda sa main. Elle refusa. En mai 1900, invitée à un dîner littéraire à Paris, elle y rencontra son futur mari, le docteur Mardrus, dont le père avait créé le cadastre en Égypte. "Il l'a aidée à publier ses premiers poèmes Occident en 1901 et Ferveur en 1902, L'Odeur de mon pays était dans une pomme."
La reconstitution du bureau de la poétesse exposée à la médiathèque à Château-Gontier. - Philippe Simon
Jusqu'en 1904, elle a mené une vie parisienne. "Après une liaison avec une riche Américaine, la poétesse Nathalie Clifford Barney, qui la perturba, elle est partie en voyage au Maghreb avec son mari, avant de revenir à Honfleur." En 1909, elle a emménagé sur l'Île Saint-Louis à Paris, et ce, jusqu'en 1915, année du divorce. Elle se fit historienne en écrivant sur Guillaume le Conquérant, sculptrice en réalisant une œuvre de Sainte-Thérèse de Lisieux...
"Dans les années 1930, sa poésie n'est plus à la mode. Ses romans fonctionnent auprès d'un public féminin ; ils abordent les thèmes de la violence faite aux femmes, la maternité non désirée..." Après un voyage aux États-Unis, en 1931, elle écrit sur les Indiens dans les réserves. "De retour en France, elle s'est tournée vers la chanson. Elle a rencontré Germaine de Castro pour mettre en chanson ses poésies." Celle-ci devint son amante. "En 1935, la tournée s'est arrêtée. Ça n'a pas marché. Lucie s'est appauvrie." En 1936, elle a obtenu le prix Renée-Vivien pour son poème Mort et printemps, qu'obtiendra bien des années plus tard Marguerite Yourcenaire pour ses Mémoires d'Hadrien.
Une fin de vie à Château-Gontier
Grâce à une connaissance, un avocat de Craon, Lucie s'installe à Château-Gontier, d'abord à Gerthelie (contraction des prénoms Germaine, l'amante, Berthe, la gouvernante, et (L)uc(ie), la poésie). "Dans cette maison de 250 m2 avec parc, elle a fait pension de famille. Elle a dû la vendre à la veille de la guerre." Elle s'est installée dans une maison basse au 1, rue Côtelière (rue Abel-Cahour), qu'elle surnommait Le colimaçon, puis au 108, Grand Rue où, avec Germaine de Castro, "elle avait réussi à reconstituer un petit cénacle d'artistes. Elle donnait des cours de latin à Jacqueline Cahour". Elle finit sa vie, seule, percluse de rhumatismes. "Elle a écrit de belles choses. Mon père avait toutes ses œuvres dédicacées sans jamais en parler." Il aura fallu la rencontre à Honfleur avec Georges Fouassier, un Ménilois, collectionneur et historien local, pour que le petit-neveu du Dr Mardrus se penche sur l'œuvre de Lucie.
Pratique Dimanche 23 novembre 2025 à 14 h 30, une visite commentée en petit train pour emmener les promeneurs sur les lieux où vécut la poétesse. Inscriptions : Tél. 02.43.09.50.53, mediatheque@chateaugontier.fr.
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