Dénonciation mensongère faite à une autorité judiciaire ou administrative entraînant des recherches inutiles : c'est le délit que reproche la justice à une femme de 42 ans qui comparaissait mardi 17 juin devant le tribunal correctionnel de la Mayenne. "C'est un dossier singulier", dira le procureur. Le 31 mai 2023, à Château-Gontier, une femme a déclaré aux gendarmes avoir été attaquée par trois hommes alors qu'elle prenait de l'essence dans une station-service. Toujours d'après ses déclarations, l'un d'entre eux, muni d'un cutter, l'a blessée et s'est emparé de sa carte bleue en lui extorquant son code d'accès. La femme est secouée et s'écroule au sol jusqu'à ce que des témoins la trouvent en état de choc et somnolente. À partir de ce moment, les enquêteurs vont mettre tout en œuvre pour retrouver les agresseurs. Mais au fur et à mesure que les investigations progressent, ils s'aperçoivent que rien ne correspond à ce qui a été décrit par la victime.
Condition familiale difficile
L'analyse de son téléphone relève des incohérences, les caméras vidéo n'ont rien enregistré de l'agression et les premiers témoins, présents au plus tard 1 minute et 40 secondes après les faits, n'ont remarqué la présence d'aucun individu. Par ailleurs, la quadragénaire ne fera opposition à sa carte bleue que le lendemain sans qu'aucun mouvement suspect n'ait été relevé entre-temps.
Des consultations internet étranges
Mais ce qui interroge tout particulièrement les policiers, réside dans les consultations internet de la plaignante. Elle s'est en effet renseignée "sur l'endroit le moins douloureux du corps à poignarder", ainsi que sur les effets consécutifs à une telle blessure. C'est sur ce point en particulier que s'attarde la magistrate sans qu'elle puisse obtenir une réponse précise de la mise en cause qui répond vouloir protéger sa fille d'un compagnon inquiétant.
Une situation familiale difficile
La présidente va ensuite relire les rapports d'expertise des psychologues et psychiatre afin d'y déceler une explication mentale des agissements de la prévenue. C'est alors que l'on découvre une femme vivant dans une situation familiale difficile : un mari ayant tenté de se suicider, une fille en difficulté psychologique et les inquiétudes qu'elle peut avoir sur sa propre santé physique. À cela s'ajoute une jeunesse marquée par des peines affectives. La femme déclare suivre une thérapie familiale. La question va être difficile à trancher pour le tribunal. Cette femme a-t-elle inventé une agression pour attirer l'attention d'un mari souvent déconnecté ? Avant de laisser la parole au parquet, la présidente rappelle que les investigations menées par les gendarmes ont généré un travail de 473 heures pour un coût de 9 465 euros : c'est ce que la justice lui reproche. Pour le procureur, les preuves ont été apportées que la prévenue a menti. Le magistrat réclame une peine de 2 mois de prison avec sursis ainsi que l'obligation d'effectuer un stage de citoyenneté.
Une présomption de culpabilité ?
De l'autre côté de la barre, Maître Camille Robert n'est pas du même avis et trouve que sa cliente a été mal traitée par les enquêteurs qui ont tout fait pour démontrer sa culpabilité. L'avocat fait le même reproche aux experts qui partent dès le début du principe qu'elle est coupable. Le tribunal demande un temps de réflexion et met l'affaire en délibéré au 24 juin.
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